Il fait encore nuit en ce Dimanche 4 novembre 2012.
Il est exactement 4h15. Je me réveille et tourne et retourne pour profiter des derniers instants de tranquillité dans mon petit lit de l’Auberge des Camélias à Nice.
J’ai mon objectif en tête !!
Réussir les France de marathon et atteindre le but fixé par mon coach soit : 2h35 !!
4h30, le réveil sonne. Je sors du lit tranquillement puis direction la douche. L’eau chaude qui coule sur mon corps me réveille. Je me sens prêt. Je mets mon survêtement et pars déjeuner. Ma concentration est palpable. A cette heure matinale, la salle de restauration est presque vide. Un couple de marathoniens est déjà là. J’ingurgite mon petit déjeuner calé avec mon diététicien Grégory Tieyre. Au menu : 1 part de gâteau sport, 2 gâteaux de riz et ma boisson d’attente à base d’eau et de jus de raisin. Je prends le temps de bien mâcher les aliments mais le stress commence à monter. Les battements cardiaques s’accélèrent, mon souffle est plus court.
Pourtant je ne cesse de me répéter que ma préparation a été parfaite et que l’objectif devrait être au bout de la ligne.
5h, je sors de l’auberge de jeunesse afin de connaître le temps qu’il fait. Il bruine mais la température est excellente. Je croise mes doigts pour qu’il ne pleuve plus.
A 6h30, lorsque mon pote Eric arrive me chercher, la pluie a cessé. Les conditions vont être excellentes.
7h, nous quittons mon pensionnat, direction la Place Massena. La foule commence à grouiller ! Les camions pour accueillir nos affaires sont déjà là ! Le monde arrive petit à petit, prêt à en découdre avec l’épreuve reine. De mon côté, je suis très concentré. La musique de mon MP3 vient rythmer mes pas et mon envie d’en découdre. A base de Maiden, Slayer…. mon corps se réveille et s’active. l’heure « H » est proche !
A 7h30, je me débarrasse de mon package marathon et prends la direction de la promenade des Anglais.
Plus j’avance vers le départ et plus l’attroupement est intense. Aux abords de la mer, je croise les kenyans mais aussi l’équipe de Freerun 72 composée de GUIMARD et BARRAU. J’y suis enfin !!
Mon départ pour l’échauffement se fait cahin-caha ! Des petites courbatures sortent, mes bras sont raides, mes adducteurs me tirent. Mon stress marathon est là.
Petit à petit, au fil des minutes d’échauffement, les douleurs s’estompent, l’appareil locomoteur et cardio-vasculaire de mon corps sont bien réveillés. Il ne me reste plus que 10 minutes avant le départ. Je réalise 3 accélérations de 100m. Mes pulsations montent. Je me sens bien. Mes efforts me dis-je vont devoir être récompensés.
7H55, Manu Dos Santos, mon collègue V2 arrive. Comme toujours, à la « bourre ». Une rapide photo avec Eric et moi et c’est parti, nous rentrons dans le sas France.
J’arrive à me frayer un chemin jusqu’à la ligne de départ et d’un coup : « Pan », le coup de pistolet a été tiré. Le départ est donné. Le marathon Nice-Cannes 2012 peut commencer.
La foule compacte s’élance des sas. Une véritable marée humaine s’échappe de l promenade des anglais. Le groupe des leaders file à vive allure et s’évapore aussi loin que vite, tel des mirages 2000.
Je me trouve quand même à l’avant du peloton. En moins de 500m, j’ai trouvé le groupe qui ira au bout de mon aventure.
Nous sommes cinq, six coureurs. L’objectif est de passer la ligne en 2h35. Les conditions climatiques sont excellentes. Pas de vent ni de pluie.
Aux premières encablures des kilomètres, notre collaboration est parfaite. Le passage au 1er et 2ième kilomètre s’effectuent en 3’39 et 3’38 si bien que nous récupérons Aline Camboulives la future championne de France et tout son groupe.
Au 5° kilomètre, après le premier épongeage, le groupe est imposant. Cependant il ne tardera pas à exploser tellement nous sommes réguliers. Pendant tout ce temps-là, j’en profite pour bien m’abriter dans le groupe et vraiment attendre mon heure. Le passage au 5° s’effectue en 18’18 et le 10° en 36’38, soit 8 secondes de retard.
A cet instant je m’inquiète un peu. Je trouve l’allure trop lente et le clame fortement au groupe. Sous l’impulsion d’un vétéran 1 de Mont de Marsan, nous accélérons. On passe devant un radar fixe et notre vitesse est mesurée à 31 km/h si bien qu’au 15° kilomètre, nous n’avons plus de secondes de retard.
Cependant à Villeneuve Loubet un juge arbitre me rappelle à l’ordre : « Une fois, pas deux ! ». il s’avère qu’aux championnats de France, il est interdit de couper les distances en montant sur les trottoirs. Je trouve la décision sévère.
Nous poursuivons notre chemin. Au 16° kilo, nous croisons le groupe des 2h30 de l’autre côté de la nationale. Ils ont 200-300m d’avance. Tout comme notre groupe sur les 2h40-2h45. J’y vois d’ailleurs Eric mon collègue de club. Par contre pas de Manu. Cela m’interroge car je garde au fond de moi l’idée de monter sur le podium par équipe.
Au 21° kilo, en passant en 1h16’43, puis au semi en 1h17’03 nous avons 3 secondes de retard sur l’objectif 2h34. Je me dis à cet instant que la bataille va commencer.
Je sais pertinemment que le second semi est bien plus dur. Truffé de bosses, montées, descentes, faux-plats. Notre groupe tient toujours bon.
Aux abords de Juan les Pins, la première salve d’artillerie est lancée. Les 3 leaders placent une accélération juste avant la première difficulté, une côte de 10% sur 40m. Je réponds à cette attaque. Les marathoniens plus en arrière du groupe ne reviendront pas. On escalade la côte du 23.5 km et filons en direction du Cap d’Antibes. Au bas du fort, un ravitaillement. Il va vraiment me faire du bien. Je me réveille et me prépare aux prochaines attaques et difficultés.
Entre le 25-26° kilomètre, sous l’impact du vétéran toujours à son aise nous entamons quelques faux plats terrifiants ! Certains y laisseront des plumes tels le champion de France Espoir ou Georges RIBEIRO (Champion de France V2) parti sur les bases de 2h30 mais à cet instant très à l’arrêt.
Me concernant, je continue ma progression, surveille ma montre, observe. La forme est là. Dès cet instant, la route s’élève, s’évade sans fin à travers les domaines du cap d’Antibes. La grosse difficulté du parcours est là ! Une côte de 1000m à appréhender. Nous la montons à notre rythme, à 2 coureurs .Nous y rattrapons la 5° kenyane avant d basculer vers VALLAURIS.
La descente est sinueuse, dure, tapante. Nous la gérons et rattrapons au gré d’un kilomètre couru en 3’30 le temps perdu.
Aux abords du 30°, un petit coup de mou me prend. Pour y répondre j’absorbe vite fait ma pâte de fruits et un bon verre d’eau. En 2 kilomètres j’ai retrouvé de la vigueur.
En passant au 33° kilo, je maintiens ma forme. Je suis surpris car j’y croise ma mère (qui fait partie de mon groupe de supporter depuis 2010).
Comment est-elle arrivée là et comment va-t-elle pouvoir rallier l’arrivée ?
Son visage me stimule me donne des ailes ! Je pars seul. J’enchaîne le 34 et le 35° kilomètre sur les bases de 3’35 et 3’36. Par la suite je me sens moins fringant !
Mon accélération m’y a fait laisser des plumes. Mon allure baisse et pour couronner le tout j’aperçois une longue montée. Afin de mieux la gérer et pour bien finir mon épreuve, je prends mon ultime pâte de fruits. En ayant un effet diffus dans mon organisme, elle m’aidera jusqu’au bout. Je serre les dents et comme on dit dans le jargon : « envoi la purée ».
Les derniers kilos sont une longue ligne droite, plus ou moins sinueuse entre le port de Cannes et le Carlton sur la croisette. J’y double encore la 3°Kényane et un sénior.
Pour le final, je mobilise toute mes ressources, je sais que je serai sous les 2h35 !!! Je cours vite, de plus en plus vite car la délivrance approche, la ligne d’arrivée est là devant moi, les flashes, le tapis rouge.
Je la franchis en 2h34’26s, en 26° position au général et 17° aux championnats de France.
Mon objectif est atteint. J’ai la larme à l’œil, le sourire. Je me dis dans ma tête : « merci à tous ceux qui m’ont fait confiance, j’y suis arrivé et surtout merci coach ».
Dès la ligne d’arrivée franchie, je suis heureux, très heureux.
Je repense directement à tout mon investissement, à ses heures passées dans le froid, la chaleur, sous la pluie ou encore très tôt le matin. C’est cela une préparation marathon avec pour couronner le tout un objectif atteint qui si tout va bien en appellera de nouveaux dans le futur.
Maintenant c’est l’heure de patienter, j’attends Eric et Manu. Et voilà qu’ils arrivent bien placés. Eric finit en 2h42’15 et Manu en 2h49’37.
Nous espérons une récompense. Je file donc voir si c’est jouable. Et là surprise au bout de 45’ d’attente, la joie est intense.
Nous terminons vice-champion de France par équipe en 8h06, à ¼ d’heure de Romans, intouchables.
Nous pouvons donc apprécier le bonheur du podium pour notre club de 64 adhérents et une ville de 5500 habitants. En tant que coureurs, c’est vrai, nous pouvons être fiers de ce que l’on a fait.
Pour couronner le tout d'une journée sacrément remplie, nous manquerons notre avion pour Toulouse. Le retour se fera en train de nuit.
Quelle expérience ces France de marathon !
Nice 2012:
Vice champion de France de Marathon par équipe
Nathanaël Bordes/ bordesnath@gmail.com/ Saint-Girons, France